Edition du 22/07/2018 – Article sur les séjours jeûne et randonnée

Ils marchent le ventre vide

Ils paient pour marcher et pour jeûner. Ni sectaires, ni aigris, bien dans leur tête et bien
dans leurs baskets, ils sont de plus en plus nombreux à tenter l’expérience. Rencontre.

Reportage

Bruno JEOFFROY – redac.agglo@courrier-ouest.com

Lorsqu’un groupe se lève dès potron-minet, avale une tisane ou un jus de citron au gingembre avant d’enquiller douze kilomètres de randonnée pédestre et, qu’à son retour point de gueuleton, mais pour unique pitance journalière un bol d’eau vaguement parfumée aux légumes du moment, vous vous dites «Mais où vais-je tomber?», d’autant plus que cet exercice est répété à l’envi toute une semaine. Et oui, c’est ça un stage « jeûne et rando ».

Hédoniste et jeûneur c’est antinomique, improbable, incompatible, explosif…Et bien, détrompez-vous. Ces sept jeûneurs qui arpentent les bords de Loire ne sont pas des doux dingues, des bobos adeptes du new age, des tristes recroquevillés sur euxmêmes, mais des gens comme vous et moi. Au détour du chemin, entre le Louet et la Loire, on les entend parler, rigoler. Pas des tristes, loin de là. Ils viennent du département ou encore de Paris, Rennes et même de Londres, et suivent Alexandre Tonnelier, un Angevin qui s’est formé à la naturopathie et s’est intéressé au jeûne, au point d’être aujourd’hui un guide accompagnateur officiel. « Le jeûne et la randonnée sont de plus en plus prisés, souligne-t-il. D’ailleurs, il existe une Fédération française de la randonnée et du jeûne. Il y a 70 organisations en France ».

Ce pourrait être un phénomène de mode, mais dans le groupe de cette semaine, certains n’en sont pas à leur coup d’essai. Et s’ils reviennent, c’est bien qu’ils y trouvent quelque chose. « Oui, répond tout de go Philippe, septuagénaire parisien. Le jeûne et l’exercice puisent la mauvaise graisse. Ce n’est pas une question d’amaigrissement, même si c’est le cas, mais un véritable bien-être. À la fin d’une semaine, on est fatigué mais c’est pour reprendre une forme meilleure quelques jours plus tard. Un renouvellement physique, tonique ».

«Je suis un délinquant alimentaire patenté ».

denis. 71 ans, Parisien effectuant son premier stage.

Le groupe est plus masculin que féminin cette semaine et le Saumurois Patrick se fait le porte-parole des quadras et quinquagénaires aux petits tracas révélés : cholestérol,diabète, ceinture abdominale et hypertension… Lorenzo, lui, est arrivé de Londres pour cette première expérience. La semaine presque bouclée, il constate que «le corps s’adapte beaucoup mieux à la pénurie qu’à l’excès». «Manger et digérer demandent une énergie folle au corps, ajoute Valérie. Cette séquence met notre appareil digestif au repos et nettoie les cellules et c’est un retour au bon sens ».

La journée type débute vers 8 heures du matin par un maigre breuvage. Puis Alexandre anime un réveil du corps avant que le groupe ne s’engouffre dans le minibus en direction du départ de la randonnée, un lieu différent chaque jour afin de lier l’exercice à la beauté de nos rives de Loire. Cette marche s’étendra sur une moyenne de 10 km. De retour aux Jubeaux, chacun se repose à sa manière, lecture, sieste, écriture… « Ce temps est important, le jeûne et la rando fatiguent, et c’est un moment pour écouter son corps », souligne Alexandre qui rappelle qu’il n’y a pas de danger à jeûner. En soirée, on discute alimentation, utilisation des plantes,yoga, sophrologie…  Denis se définit comme un « novice innocent dans le jeûne », mais aussi comme « un délinquant alimentaire patenté depuis 50 ans». «Je cherchais quelque chose à faire. Le jeûne est arrivé dans mon esprit comme un flash. J’ai regardé sur Internet, suis tombé sur le site d’Alexandre. Je l’ai appelé, le courant est passé. 24 heures avant ce stage, je ne me doutais pas que j’allais arriver en Anjou ». À 71 ans, il ne s’ennuie pas une seconde durant cette semaine qui semble lui faire un bien fou. « Et c’est impressionnant de ne pas avoir faim. On a tous cette crainte avant de venir ».